Suite de poèmes de Serge Meurant.
Ce dernier mois, j’ai tenu le journal de ces jours de confinement que nous partageons aujourd’hui. Je dédie ces carnets à mes amis dont certains sont privés de parole, à ceux qui inventent leur vie, aux poètes illettrés, aux enfants, à ma compagne et à mes deux filles.
Serge Meurant, le 17 avril 2020.
A Alexandre
Je te téléphone longtemps
mais tu ne comprends
ni ne parles plus aucune langue
J’avais fait le vœu de vivre
en compagnie des bêtes muettes
mais il me faut aujourd’hui
t’amener à rire
et t’étreindre par-delà
la distance aride.
Ton sourire d’incompréhension
balbutie comme si
tu m’avais reconnu de loin
puis perdu de vue.
Ton sourire est enfantin.
Je te prends par la main.
Confinement du 9e jour
*
A Alain Roch
Sérénité
Tu dessines dans la cabane
dont l’étroite porte
s’ouvre sur la cour.
Tu traces les rues désertes
et tu les peuples d’ inconnus.
Invisibles ils viennent à ta rencontre,
et leurs visages ressuscitent
ton passé
de vagabondage.
Habité par un bonheur inouï,
tu marches seul
sous les cerisiers en fleurs
vers la chambre de l’amie.
*
Je regardais à travers la vitre
les minuscules nouveaux-nés
dans les couveuses scellées.
Je vous vois aujourd’hui
échoués sur le ventre
dans les nasses noires du virus.
Je vous veille épouvanté,
silencieux
comme au dernier jour.
*
Elle dort nuit et jour,
les poings levés
devant le visage
de l’inconnue
qui la hèle.
La lumière l’éclaire
sans qu’elle ne s’éveille.
Ses songes effleurent
son souffle.
Quelques mots s’embuent.
Elle a perdu tout souvenir,
par la fenêtre elle voit
les toits établis de neige.
A Pierre-Marie Goulet
Et le poème naît du souffle,
sans écriture ni trace.
Il soulève ton visage
inspiré haut, Virginia
entourée de montagnes.
16e jour de confinement.
Cliquez ici pour lire d’autres « Carnets de confinement » de Serge Meurant publiés sur ce blog.
brussels poetry collective 